Acte de foi : Lancement du premier « unit trust » maltais

Chetcuti Cauchi | 18 sept. 2012

Chetcuti Cauchi Advocates CCMalta default banner

L'industrie maltaise des fonds vient de lancer son premier organisme de placement collectif structuré sous la forme d'un « unit trust ». Dans cet article, l'auteur examine quelques-unes des difficultés juridiques et réglementaires que le lancement de cette structure a soulevées, comme par exemple la question du rôle du dépositaire. L'auteur suggère plusieurs changements à apporter au régime et qui s'imposent pour que cette structure soit utilisée plus largement et il souligne quelques-uns des avantages que présente le « unit trust » comme véhicule pour les fonds.

Mots-clés : unit trust, organismes de placement collectif, réglementation financière, structures de fonds, MFSA

Alors que le « unit trust » (la fiducie d'investissement à participation unitaire) est communément utilisé comme véhicule pour les organismes de placement collectif (OPC) dans le monde entier et particulièrement dans les pays de common law, la structure du « unit trust » est très inhabituelle dans le contexte de l'industrie locale des fonds1. Bien que la législation locale autorise l'établissement d'OPC sous la forme de « unit trusts »,2et même s'il existe bien un régime régissant ces OPC, aucun fonds de la sorte n'avait été lancé à Malte jusqu'à récemment, et pour l'heure, les fonds locaux ont été pratiquement toujours structurés sous la forme de SICAV3. La situation est cependant en train de changer, avec l'aboutissement du processus réglementaire conduisant à l'octroi de licences et au lancement du premier fonds maltais d'investisseurs professionnels (« Professional Investor Fund » - PIF), structuré sous forme de « unit trust ».

Comme on pouvait s'y attendre, ce processus a soulevé de nombreuses difficultés juridiques et réglementaires et a souligné un certain nombre de lacunes dans ce domaine non testé au niveau de notre régime réglementaire local et juridique. Cet article ne va pas chercher à s'arrêter sur chaque problème juridique et réglementaire qui se présente lors de l'établissement de cette structure. Il va plutôt analyser quelques-unes des principales difficultés soulevées par l'utilisation de la structure du « unit trust », en identifiant les domaines de faiblesse ou d'ambiguïté qui existent dans l'actuel régime réglementaire, en suggérant des améliorations et, en conclusion, en arguant en faveur d'une prise en considération plus généralisée de cet autre type de structure de fonds.

Voici la liste des difficultés juridiques et réglementaires qui vont être abordées ici :

  • Le rôle du dépositaire
  • La création du trust
  • L'applicabilité du régime du sous-fonds
  • Le lien entre le trustee et les fournisseurs de services du fonds
  • Le rôle du trustee et sa relation avec le gestionnaire du fonds

Avant d'étudier plus en avant les difficultés réglementaires posées par la mise en œuvre de la structure du « unit trust » au sein du cadre réglementaire maltais, il est utile de commencer par explorer la nature de la structure du « unit trust » à proprement parler.

1. La nature du « unit trust »

La loi [maltaise] relative aux trusts et aux trustees (« Trust and Trustees Act », la loi TTA) définit le mot « trust » dans les termes suivants4:

« Un trust existe lorsqu'un individu (appelé « trustee ») détient des biens, à titre de propriétaire ou dont il a été investi, en étant placé sous l'obligation de traiter de ces biens pour le bénéfice de personnes (appelées les bénéficiaires) qu'ils soient ou non définis ou en vie, qui n'est pas pour le bénéfice uniquement du trustee, ou pour une œuvre caritative, ou à la fois pour le bénéfice et dans le but de la manière susvisée. »

Un « unit trust » est une forme spécifique de trust. La loi TTA définit un « unit trust » comme suit5:

« On entend par « unit trust » tout trust établi dans le but, ou ayant l'effet, de fournir à des individus disposant des fonds disponibles pour les investir, des possibilités pour qu'ils participent en tant que bénéficiaires en vertu du trust à tous bénéfices ou revenus découlant de l'acquisition, de la détention, de la gestion ou de la cession de biens, quels qu'ils soient, au titre d'un organisme de placement collectif ainsi défini dans la loi sur les services d'investissement (« Investment Services Act »).

« On entend par « unit trust » tout trust établi dans le but, ou ayant l'effet, de fournir à des individus disposant des fonds disponibles pour les investir, des possibilités pour qu'ils participent en tant que bénéficiaires en vertu du trust à tous bénéfices ou revenus découlant de l'acquisition, de la détention, de la gestion ou de la cession de biens, quels qu'ils soient, au titre d'un organisme de placement collectif ainsi défini dans la loi sur les services d'investissement (« Investment Services Act »).

Dans un cas de figure type, un « unit trust » est initié par le gestionnaire de fonds qui conclut un acte de trust (« trust deed ») avec le trustee. L'acte de trust prévoit que les actifs des investisseurs (c'est-à-dire les détenteurs d'unités) soient détenus en trust par le trustee et qu'ils soient investis en conformité avec les consignes du gestionnaire de fonds, sous réserve des conditions de l'acte de trust, du contrat de gestion de fonds et de la notice d'offre6.

En règle générale, un trust relève d'une relation où un individu, appelé le  constituant, cède des biens à un  trustee pour le bénéfice des bénéficiaires. Le trustee est le propriétaire en common law (« legal owner ») des biens du trust, mais non pas le propriétaire bénéficiaire (« beneficial owner »). Ce qui est immédiatement clair, c'est que le « unit trust » diffère des trusts d'intérêt privé ordinaires où, à proprement parler, le constituant est absent du processus de création du trust. Cela soulève plusieurs questions qui sont abordées à la rubrique intitulée « La création du trust ».

Une autre caractéristique importante du « unit trust » tient au fait qu'en vertu de la législation maltaise, il revêt le caractère d'un « trust commercial ». La loi TTA prévoit plusieurs dispositions qui s'appliquent aux trusts formés dans le cadre d'une transaction commerciale, ainsi définie à l'Article 2 de la loi. Ces règles ont pour effet général d'accorder une plus grande souplesse7 et de permettre de réduire quelques-uns des devoirs que la loi impose au trustee en autorisant les parties à régir certaines questions dans l'acte de trust.

2. Les difficultés juridiques et réglementaires

2.1 Le rôle du dépositaire

Le règlement des services d'investissement pour les fonds d'investisseurs professionnels (le « règlement PIF ») exige que les PIF commercialisés auprès d'investisseurs avertis désignent un dépositaire dans le but de veiller à la garde des actifs du PIF. Le dépositaire doit exercer une fonction de surveillance vis-à-vis des activités du gestionnaire de fonds, en vérifiant dans quelle mesure le gestionnaire de fonds observe les pouvoirs d'investissement et d'emprunt précisés dans la notice d'offre8. Les PIF commercialisés auprès d'investisseurs avertis sont souvent qualifiés de fonds « quasi-grand public »,9 et il ne fait pas de doute que l'intention qui se cache derrière cette exigence est d'introduire une échelon de protection supplémentaire pour les investisseurs.

Il est clair aussi que la condition de licence standard (« Standard License Condition » - SLC) concernée a été rédigée dans un contexte où la structure légale pour les PIF est pratiquement exclusivement celle d'une SICAV, c'est-à-dire d'une personne morale dotée d'une personnalité juridique distincte. Dans une SICAV, la fonction de garde et de surveillance est imposée au dépositaire car ce dernier, en qualité de tiers indépendant, est bien placé pour s'acquitter de ces fonctions.

Or cette exigence n'a pas lieu d'être, pas plus commercialement que logiquement, dans le cas de fonds structurés sous forme de « unit trusts », du fait de la présence d'une autre partie qui est indépendante du gestionnaire de fonds et qui est tenue de protéger les intérêts de l'investisseur, en la personne du trustee à proprement parler. L'exigence de désignation d'un dépositaire entraînerait par conséquent des coûts inutiles et une duplication du travail. Pour que la structure du « unit trust » soit commercialement viable, il faut donc que le rôle du dépositaire soit remplacé par celui du trustee.

D'autre part, le trustee est non seulement bien placé pour surveiller le gestionnaire de fonds et protéger les actifs, il est aussi tout dans son intérêt de le faire. La logique est la suivante :

  • Les trusts créent des obligations fiduciaires, ce qui veut dire que le trustee est tenu d'observer un certain nombre de critères de comportement standard et d'agir en bon père de famille10
  • La loi TTA impose au trustee l'obligation de « protéger les biens du trust à l'abri du risque de perte ou de dommage »11
  • La violation de tout devoir imposé au trustee par la loi TTA, les conditions du trust ou le droit régissant du trust est jugée être une violation à l'obligation du trust,12 ce qui peut avoir de graves conséquences pour le trustee13
  • Ainsi donc, le trustee n'a aucun intérêt à ce que le gestionnaire de fonds agisse de manière non supervisée, du fait que le trustee est passible de conséquences potentiellement graves pour violation à l'obligation du trust.14

L'organisme de régulation semble abonder dans ce sens et il n'a pas demandé la désignation d'un dépositaire, exigeant plutôt que le trustee observe spécifiquement les SLC 1.13 à 1.16 et toutes autres règles imposées au dépositaire qui sont applicables.

2.2 Structure du « unit trust » ombrelle

L'une des nombreuses caractéristiques attrayantes en termes de souplesse que la législation locale confère tient à la possibilité de structurer les fonds sous forme de fonds ombrelles, un fonds ombrelle comportant des sous-fonds individuels ayant leurs actifs et leurs passifs qui leur sont propres, c'est ce qu'on appelle la « compartimentalisation ». Dans le contexte de fonds structurés sous forme de personnes morales, cette disposition a nécessité une intervention législative au moyen d'une publication judiciaire.15 La publication judiciaire en question ne fait aucune référence aux structures de « unit trusts ». La question qui se présente donc consiste à savoir si une intervention législative similaire s'impose ou non en vertu de notre droit pour autoriser l'existence de structures ombrelles dans le contexte des « unit trusts ».

L'argument en faveur de la licéité d'une telle structure en vertu de l'actuelle législation est liée de près à la notion de « droit » : La loi TTA stipule que :

« 9(1) Un bénéficiaire a un droit, appelé droit à titre bénéficiaire, dans les biens du trust ou vis-à-vis de ceux-ci, le cas échéant. Le bénéficiaire peut jouir du droit à titre bénéficiaire sous réserve des conditions du trust et des dispositions de la présente loi et de toutes autres dispositions de la loi relative aux trusts. »

Ce libellé doit être lu conjointement avec l'alinéa 10 du même article :

« (10) Il est légal d'accorder à un trustee le pouvoir d'appréciation visant à déterminer quels sont les bénéficiaires à bénéficier, la quantité de tout bénéfice, à quel moment et de quelle manière les bénéficiaires bénéficient, ainsi que tous les autres pouvoirs relatifs à la nomination, l'utilisation ou la promotion des biens du trust. »

Ainsi, l'article 9(1) stipule que le droit du bénéficiaire (le droit à titre bénéficiaire) est sous réserve des conditions du trust, alors que l'article 9(10) précise qu'un pouvoir d'appréciation peut être accordé au trustee en ce qui concerne la gestion du bénéfice. Cela semble aller dans le même sens et autoriser implicitement l'existence de structures de sous-fonds.

Il est possible d'illustrer cet argument à l'aide d'une analogie :

Supposons que des biens immeubles soient cédés en trust au trust. L'acte de trust prévoit que le droit aux « fruits » des biens (par ex. le revenu de loyers) est attribué à un bénéficiaire, « A ». En revanche, le bénéficiaire « B » reçoit le droit d'accès au capital (c'est-à-dire à l'immeuble à proprement parler). Il est clair que A et B jouissent tous deux d'un droit à titre bénéficiaire qui est différent : le droit à titre bénéficiaire de A est le droit à des revenus de loyers, alors que le droit à titre bénéficiaire de B est le droit d'accès au capital. Dans l'éventualité où A se trouverait dans l'incapacité de répondre aux exigences d'un créancier tiers (c'est-à-dire s'il ne pouvait pas honorer sa dette), la seule réclamation que le créancier tiers en question aurait le droit de présenter se limiterait à se porter à l'encontre du droit à titre bénéficiaire de A, et il s'agit là d'une règle fondamentale du droit des trusts et qui est reconnue en vertu de l'Article 9(2) de la loi TTA.

Il est aussi possible de défendre cette position a contrario sensu. En supposant que les sous-fonds (c'est-à-dire les ensembles compartimentalisés d'actifs et de passifs) ne sont pas autorisés dans le cadre d'organismes de placement collectif structurés sous la forme de « unit trusts », il serait logique de s'attendre à ce qu'une telle règle s'applique de manière uniforme à tous les trusts (du fait que le « unit trust » peut être apparenté à un trust où le droit au bénéfice a été compartimentalisé). En suivant cette logique, on en viendrait à conclure qu'il n'est pas possible que les trusts « compartementalisent » les droits entre plusieurs bénéficiaires ou classes de bénéficiaires. Or une telle interprétation semble aller à contre-sens des principes établis à l'Article 3 et 9 de la loi TTA.

On peut aussi arguer du fait que les parties de l'acte sont autorisées à rédiger l'acte, et donc la structure du trust, librement en fonction de leurs préférences légales en conformité avec le règlement relatif aux trusts commerciaux. Depuis une perspective réglementaire, l'organisme de régulation devrait aussi être réconforté par le fait que le trustee veille à la sauvegarde des intérêts des investisseurs.
Or l'organisme de régulation local n'a pas accepté ces arguments. Il semble fonder le principal argument à sa contestation comme suit :

« … [bien qu'il soit possible d'établir le « unit trust » dans un but commercial] de la manière définie à l'Article 2(1) de la loi TTA, l'Article 6(6) de la loi TTA stipule que dans un tel cas de figure « le trust opérera en conformité avec les conditions expresses de l'instrument de trust » et en conséquence le fonds doit obligatoirement opérer dans les limites du cadre général régissant les trusts à Malte. À cet égard, le cadre législatif maltais pour les trusts et les trustees ne prévoit pas la compartimentalisation des actifs et des passifs des sous-fonds à l'intérieur d'un « unit trust » contrairement aux sociétés à fonds multiples (SICAV) et aux sociétés cellulaires protégées (« protected cell companies »). »

Tandis qu'il est possible de soulever plusieurs contre-arguments à cette position, il semble probable que l'organisme de régulation refusera d'autoriser des « unit trusts » ombrelles à moins qu'une législation spécifique ne soit promulguée pour faire face à de telles structures. Ceci étant dit, l'organisme de régulation reconnaît bel et bien qu'il est acceptable qu'un trustee, dans un but interne, administratif et comptable, alloue des actifs et passifs spécifiques du trust à des bénéficiaires désignés, sans préjudice des obligations du trustee en vertu de la loi TTA de fournir aux bénéficiaires le compte-rendu de l'intégralité de son mandat en tant que trustee. Toutefois, dans un tel cas de figure, le trust et les « sous-fonds » créés à l'intérieur de celui-ci seraient toujours considérés comme formant un trust unique et le trustee serait tenu de préparer des comptes-rendus pour l'intégralité du trust.

2.3 La création du trust

Dans le cadre d'un trust d'intérêt privé type, les conditions de l'acte de trust proviennent du constituant et sont le reflet de sa volonté. Elles constituent le « mandat du constituant »16.  Dans un cas de figure de trust ordinaire, le constituant exécute l'acte de trust avec le trustee et transfère les biens cédés en trust au trustee. Il diffère d'un « unit trust », dans ce sens où généralement l'acte de trust est constitué sans la participation du constituant.

Cela soulève deux questions :

  • Un « unit trust » est-il vraiment un trust, ou s'agit-il de quelque chose de complètement différent ?
  • À partir de quel moment précisément un trust est-il créé ?

Pour ce qui est de la première question, il est utile de commencer par revenir sur la définition du terme de « trust ». Keeton et Sheridan17, par exemple, définissent un trust de la manière suivante :

« La relation qui survient à chaque fois qu'un individu (appelé le trustee) est tenu en equity de détenir des biens, qu'ils soient meubles ou immeubles, et qu'il en détienne le titre légal ou en equity, pour le bénéfice de certains individus (dont il peut faire partie et qui sont appelés bénéficiaires) ou d'un objet spécifique autorisé par la loi, de sorte que le bénéfice réel des biens revienne, non pas au trustee, mais aux bénéficiaires ou aux autres objets du trust.

Thomas et Hudson18 donnent la définition suivante :

« Par sa nature, un trust consiste à imposer une obligation en equity à un individu qui est le propriétaire en common law du bien (un trustee), qui exige de cet individu qu'il agisse de bonne foi pour traiter de ces biens en faveur de tout individu (le bénéficiaire) qui détient un droit à titre bénéficiaire vis-à-vis des biens et reconnu en equity. »

La fiducie explicite est définie par le American Restatement of Trusts comme étant :

« Une relation fiduciaire vis-à-vis de biens soumettant l'individu qui détient les biens à des obligations en equity de les traiter pour le bénéfice d'autrui, qui naît en conséquence d'une manifestation d'intention de la créer. »19

Dans l'affaire locale de iWorld Group Europe Holdings plc contre Bettina Vossberg,20 le tribunal a décrété que les principaux éléments pour la création d'un trust en vertu du droit maltais étaient les suivants : (i) les actifs du trust sont confiés et placés sous le contrôle du trustee ; (ii) les biens du trust constituent un fonds séparé ; (iii) les bénéficiaires possèdent un intérêt illimité ; (iv) le trustee détient tous les droits qui reviennent à un propriétaire en ce qui concerne les biens du trust ; (v) les principales obligations du trustee sont envers les bénéficiaires.

La loi TTA se fait l'écho de ces définitions, lorsqu'elle n'exige pas la présence d'un constituant pour qu'un trust voie le jour, mais se contente d'exiger à la place une situation où un individu détient à titre de propriétaire des biens en étant soumis à l'obligation de traiter de ces biens pour le bénéfice d'autrui. Il est donc clair que la notion de constituant n'est pas forcément essentielle au concept du trust et qu'on peut donc en conclure que la nature inhabituelle du « unit trust » ne signifie pas pour autant qu'il est dépourvu du caractère d'un trust.

Le fait que le concept du trust ne nécessite pas de constituant ne suffit pas pour répondre à la deuxième question, à savoir que pour le moment, lorsque l'acte de trust est exécuté, il lui manque une autre caractéristique plus fondamentale d'un trust, c'est-à-dire les biens du trust. Cette question n'est pas que simplement théorique : un organisme de régulation a-t-il le droit d'autoriser un « unit trust » (c'est-à-dire de lui octroyer une licence), alors que le trust en question ne contient pas le moindre actif, et qu'à ce titre on peut arguer qu'il n'existe pas encore ? N'existe-t-il pas une contradiction logique dans le cas où un fonds de « unit trust » est autorisé et par conséquent lancé, alors que pour qu'il existe il est exigé du trustee de procéder à un investissement initial ?

Cette question n'a pas été soulevée par l'organisme de régulation dans les discussions portant sur l'établissement de ce premier « unit trust » et par conséquent, le point susvisé n'a pas été exploré dans le détail. Ceci étant dit, il est possible de trouver une solution facile et pratique au problème susvisé : le gestionnaire de fonds peut adopter le rôle de constituant et d'investisseur en apportant au fonds un investissement initial. Un trust peut être établi en vertu du droit maltais sans valeur liquidative minimale, si bien qu'il est possible de répondre à la question du moment de création du trust par le règlement d'un montant nominal en espèces (par ex. 1 EUR).

2.4 Le lien entre le trustee et les fournisseurs de services du fonds

La mise en place d'un OPC nécessite la nomination de tout un ensemble de fournisseurs de services, comme des gestionnaires de fonds, des administrateurs de fonds, des dépositaires et des conseillers en placement.21 Lorsque l'OPC est structuré comme SICAV, la SICAV elle-même se charge de ces désignations : des relations contractuelles sont conclues entre la SICAV et les divers fournisseurs de services, précisant leurs conditions d'engagement.

Dans le contexte d'un « unit trust », il serait possible de reproduire des mesures de la sorte en passant des relations contractuelles avec les fournisseurs de services. Cependant, bien qu'il serait envisageable de le faire sur le plan légal, il est probable que d'une perspective commerciale, un tel arrangement ne soit pas souhaitable pour le trustee. Les raisons à cela sont variées : il est possible qu'il manque au trustee l'expertise nécessaire pour évaluer la compétence de certains types de fournisseurs de services ; une stratégie de placement peut nécessiter de devoir procéder à des désignations à une rapidité que le trustee n'est pas capable d'assurer, pour quelque raison que ce soit.

La solution consiste à attribuer au gestionnaire de fonds la responsabilité de la désignation des fournisseurs de services. C'est ainsi au gestionnaire de fonds qu'il revient de conclure des accords avec les fournisseurs de services pour la fourniture de services à l'OPC. Cela donne naissance à une relation mandant/mandataire entre le trustee et le gestionnaire de fonds. Il serait préférable de fixer contractuellement ces mesures prises de la sorte pour s'assurer de parvenir au résultat souhaité : c'est-à-dire que le gestionnaire de fonds puisse contracter en son propre nom des tiers, lesquels tiers étant rémunérés par le trustee à partir des actifs du fonds en conformité avec les conditions de l'acte de trust, de la notice d'offre et des accords passés entre le gestionnaire de fonds et le tiers.

D'un point de vue pratique, cette solution a du sens : le gestionnaire de fonds est invariablement l'entité qui connaît le mieux les qualités que les fournisseurs de services doivent afficher en fonction de la stratégie d'investissement poursuivie, et il est par conséquent en bonne place pour exercer ses pouvoirs de prise de décision à cet égard.

2.5 Le rôle du trustee et sa relation avec le gestionnaire du fonds

En sa qualité de détenteur du titre légal des actifs du fonds, le trustee joue un rôle central dans le « unit trust » et nos lois lui accordent de larges pouvoirs. Les structures des « unit trusts » ne sont cependant pas créées en vue de faire l'étalage des talents du trustee : leur fonction est plutôt de permettre aux investisseurs de confier leurs investissements entre les mains compétentes du gestionnaire de fonds. Dans la pratique, c'est pratiquement toujours au gestionnaire de fonds que la paternité du fonds revient. Il est par conséquent essentiel de bien comprendre la relation qui existe entre ces deux fonctions clés.

Étant donné que c'est le gestionnaire qui détient l'expertise pertinente en matière d'investissement, on peut s'attendre à ce que les documents du fonds, et plus particulièrement l'acte de trust, contienne des dispositions indiquant que le gestionnaire de fonds a plein pouvoir d'appréciation vis-à-vis du choix des investissements. Rédigées en des termes absolus, il est peu probable que des dispositions de la sorte soient acceptées par un trustee, quel qu'il soit, du fait que le trustee conserve la responsabilité du contrôle des actifs du trust. Il y a donc tout à penser que le trustee souhaitera atténuer les pouvoirs d'appréciation du gestionnaire de fonds en ajoutant l'exigence d'adhérer à la lettre aux objectifs, aux politiques et aux restrictions en matière d'investissements ainsi visés dans la notice d'offre. Il est bien possible aussi que le trustee souhaite autoriser spécifiquement les transactions : pour cela, il peut prévoir des mécanismes appropriés dans l'acte de trust.

Il est probable en outre que le trustee souhaite restreindre ses responsabilités au-delà des fonctions essentielles de conserver le titre de propriété vis-à-vis des actifs, d'en assurer la sauvegarde et le contrôle. Dans ce contexte, la possibilité de qualifier le trust de trust commercial est quelque chose d'important. La qualification d'un trust commercial accorde aux parties davantage de liberté dans la rédaction de l'acte de trust et leur permet donc de limiter les responsabilités et les obligations dévolues au trustee. Ces responsabilités peuvent être attribuées contractuellement au gestionnaire de fonds.

3. Conclusion

Il ne fait pas de doute que le « unit trust » peut être une alternative viable aux structures d'entreprise comme véhicule pour les OPC. Le cadre législatif semble être suffisamment robuste pour soutenir cette structure, et l'approche adoptée par l'organisme de régulation en ce qui concerne la question clé du dépositaire s'est avérée à la fois positive et sensée. Par ailleurs, la qualification des « unit trusts » comme trusts commerciaux est utile et elle accorde aux juristes des gestionnaires de fonds et des trustees davantage de marge de manœuvre lors de la rédaction des documents officiels. Il reste néanmoins beaucoup de chemin à faire avant que le pays puisse se déclarer un pays favorable à des structures de la sorte.

Tout d'abord, il existe certaines limitations pratiques, comme par exemple le fait que les professionnels et les organismes de régulation connaissent toujours mal cette structure, et le fait également qu'il n'existe qu'un nombre limité de fournisseurs de services autorisés à agir en qualité de trustees pour des OPC. Mais surtout, il reste à surmonter des difficultés réglementaires. Plus particulièrement, l'impossibilité de former des structures de « unit trusts » ombrelles rend le « unit trust » un véhicule nettement moins attrayant quand on le compare à celui d'une SICAV.

Ceci étant dit, le « unit trust » présente toujours de nombreux atouts comme véhicule de fonds à Malte : ces trusts sont des instruments extrêmement souples qui ne sont pas obligés d'adhérer aux exigences strictes imposées par la loi sur les sociétés ; les « unit trusts » peuvent être structurés sous la forme d'entités transparentes sur le plan fiscal, ce qui peut aboutir à de meilleurs résultats pour certaines stratégies d'investissement, et les investisseurs d'un « unit trust » bénéficient de la surveillance d'un trustee. Il reste maintenant à voir dans quelle mesure l'industrie locale manifestera de l'enthousiasme à adopter cette structure nouvelle, et si cette adoption sera facilitée par des efforts au niveau réglementaire et législatif.

Bibliographie

  • Kim Fan Sin, The Legal Nature of the Unit Trust, Claredon Press (Oxford), 1997
  • Keeton and Sheridan, Law of Trusts, 12th edn. (by Sheridan), Barry Rose, 1993
  • Geraint Thomas and Alaistair Hudson, The Law of Trusts, Oxford, 2004

MFSA Rules

  • Investment Services Rules for Professional Investor Funds, Part A: The Application Process 
  • Investment Services Rules for Professional Investor Funds, Part BI: Professional Investor Funds targeting Experienced Investors
  • Investment Services Rules for Retail Collective Investment Schemes, Part A: The Application Process

Websites

Case law

  • iWorld Group Europe Holdings plc vs Bettina Vossberg- First Hall, Civil Court, 7/08/2004

Legislation

  • Trusts and Trustees Act, Chapter 331, Laws of Malta
  • Investment Services Act, Chapter 370, Laws of Malta
  • Companies Act (Investment Companies with Variable Share Capital) Regulations, 2006

Journals and other publications

  • AIMA Journal, Q3, ‘Malta’s ‘quasi-retail’ alternative investment structures’
  • American Law Institute, Restatement of the Law: Trusts 2d, American law Institute Publishers, 1959, s. 2.

[1] Pour un compte-rendu détaillé de l'historique et des origines du « unit trust », se reporter à l'ouvrage de Kim Fan Sin, The Legal Nature of the Unit Trust, Clarendon Press (Oxford), 1997, Pgs 7 - 46.
[2] Voir Investment Services Rules for Professional Investor Funds, Part A: The Application Process and Investment Services Rules for Retail Collective Investment Schemes, Part A: The Application Process
[3] La liste de la MFSA des PIF sous licence indique que jusqu'à présent, tous les PIF locaux ont été structurés sous forme de SICAV, à l'exception d'un PIF qui a été établi en tant que « partnership ». La liste des titulaires de licence figure sur le site web de la MFSA : http://www.mfsa.com.mt/
[4] Chapitre 331 de The Laws of Malta, Article 3
[5] Ibid, Article 2
[6] Kim Fan Sin, The Legal Nature of the Unit Trust, (Clarendon Press, Oxford 1997), Pg 1
[7] Voir articles 6, 21 et 29.
[8] Investment Services Rules for Professional Investor Funds, Part BI: Professional Investor Funds targeting Experienced Investors, SLC 1.13
[9] AIMA Journal, Q3, ‘Malta’s ‘quasi-retail’ alternative investment structures’
[10] Article 3 (6), Loi TTA (« Trust and Trustees Act »), Chapitre 331, The Laws of Malta
[11] Article 21, Loi TTA (« Trust and Trustees Act »), Chapitre 331, The Laws of Malta
[12] Article 4, Loi TTA (« Trust and Trustees Act »), Chapitre 331, The Laws of Malta
[13] Article 30 (1), Loi TTA (« Trust and Trustees Act »), Chapitre 331, The Laws of Malta
[14] Entre autres, en vertu de l'Article 30 de la loi TTA (« Trust and Trustees Act »), un trustee qui commet une violation à l'obligation du trust peut être passible de la perte de dépréciation de valeur des biens du trust résultant de la violation et du bénéfice, le cas échéant, qui se serait accumulé en l'absence d'une violation de la sorte. Il ne fait pas de doute que ces responsabilités pourraient être considérables, surtout dans le contexte de fonds importants.
[15] Companies Act (Investment Companies with Variable Share Capital) Regulations, 2006,  LN 241 of 2006
[16] Ibid. Kim Fan Sin Pg. 55
[17] Keeton and Sheridan, Law of Trusts, (12th edn., Barry Rose, 1993) Pg. 13
[18] Geraint Thomas and Alaistair Hudson, The Law of Trusts, (Oxford, 2004) para. 1.01
[19] American Law Institute, Restatement of the Law: Trusts 2d, (American law Institute Publishers, 1959) s. 2.
[20] iWorld Group Europe Holdings plc vs Bettina Vossberg- First Hall, Civil Court, 7/08/2004
[21]Les règlements locaux sur les PIF accordent un fort degré de flexibilité à cet égard, les fonds pouvant s'auto-administrer et s'auto-gérer sans avoir à désigner de dépositaire dans le contexte de PIF ciblant des investisseurs qualifiés et extraordinaires. Toutefois, dans la pratique, beaucoup de PIF continuent de vouloir conserver un ensemble de fournisseurs de services.

 


Request More Information

Please send me legal and other updates